Mathias Malzieu

"Une greffe de moelle osseuse c’est un peu retour vers le futur !"



Mathias Malzieu : Quand j’ai découvert ma maladie, c’était assez surréaliste, parce que j’étais en train de terminer un film sur lequel je travaillais depuis 6 ans. J’étais très fatigué mais je trouvais ça normal d’être fatigué parce que j’étais en même temps en tournée, je venais de faire la promotion d’un livre et j’étais en train de terminer un film d’animation avec 200 personnes depuis 6 ans. Tout le monde me disait : oh la la après le film il faut que tu te calmes ! Et moi je disais : "ouais ouais  je vais me calmer après, je vais avoir 40 ans, je sors le film et après je vais vraiment décompresser."

Sauf que juste avant le film, on a tourné un clip où j’étais assez athlétique et physique, etc. et je sautais un peu partout et en fait, entre toutes les prises, ben je n’arrivais plus à respirer. Je n’avais vraiment plus d’oxygène...
Et j’ai compris, après la prise de sang, que je n’avais plus d’oxygène parce que je n’avais plus de globule rouge, très très peu de globules rouges.

C’est là qu’ensuite on m’a hospitalisé et que l’on a fait tout ce qui est exploration de moelle osseuse. Et c’est là qu’on m’a découvert cette aplasie médullaire. Je n’avais, d’ailleurs plus, ni de plaquette, ni de globule blanc. Et on m’a rapidement parlé de cette histoire de greffe.

Alors au début c’est un mot qui fait peur et qui en même temps a une espèce de magie inquiétante parce que la greffe on sait que c’est pour quelque chose de grave. 

Mais en même temps une greffe de moelle osseuse on ne sait pas ce que c’est… ¨Parce qu’il y a un côté nébuleux… C’est pas comme un rein, même si c’est très grave aussi… Un rein, un poumon, un cœur c’est très grave mais on sait ce que c’est. Là, on me parle de cellules souches, on me parle d’un organe qui fabrique des globules. 

Au début c’est très compliqué et donc il faut arriver à sortir de cette dimension trop technique pour soi-même être pédagogique avec ses proches et soi-même comprendre son ennemi. J’en ai d’ailleurs écrit une chanson qui s’appelle « know your anemia » et à partir du moment où j’ai compris ce que j’avais et quelles étaient les alternatives, ça ne m’a pas fait guérir mais disons que ça a orienté mon combat de manière beaucoup plus précise et ça a été très important.

On se pose plein de questions culpabilisantes, mais en fait pour mon cas c’est une maladie « idiopathique », c’est la maladie de l’idiot ! Donc on ne sait pas d’où ça vient… On sait ce que c’est… Mais on ne sait pas comment ça se déclenche. 

Mais dès que c’est sûr que c’est une aplasie médullaire et que le traitement, le seul vrai traitement qui a une chance de complètement me ramener à la vie normale, de me guérir…  C’est la greffe… Donc il y a d’autres alternatives et qui marchent de temps de temps mais qui ont moins de chances, donc on parle de tout çà et là on me parle des problèmes de compatibilité, et les chances c’est des pourcentages. 

Donc on me dit que j’ai une chance sur quatre d’avoir quelqu’un de compatible dans ma famille. 

Moi, j’ai une sœur et donc la première chose c’est qu’on demande à ma sœur de faire la prise de sang. Et pas de chance de son côté, elle n’est compatible qu’à moitié, et ça fait des greffes extrêmement dangereuses, donc ça aurait été vraiment du dernier recours, mais ça aurait été très très dangereux. Ils essayent vraiment au maximum d’éviter les greffes pas compatibles comme ça. Donc après il y a eu une recherche dans le fichier français puis mondial… Là on bascule à une chance pour un million de trouver un donneur… D’où l’importance de donner pour augmenter cette statistique. Et pour ma part, on n’a pas trouvé.  Et donc moi j’ai donc été greffé avec un protocole alternatif qui est très spécifique et qui est assez rare, c’est la greffe de sang de cordon. C'est un petit peu la même chose qu’une greffe de moelle osseuse mais la seule différence c’est que ça vient du cordon d’un bébé, mais c’est aussi quelqu’un qui a donné. 

Et le 21 octobre 2015 qui était mon premier anniversaire de greffe, eh bien dans le film « Retour vers le futur » c’est le jour où Doc et Marty arrivent dans le futur ! C’est quand même génial pour un greffé que ce soit le même jour que « Retour vers le futur » ! On pourrait dire, une greffe de moelle osseuse c’est un peu retour vers le futur, parce qu’on a un truc et finalement on a de nouveau de l’avenir !"