"Je me considère comme une survivante"
Je m'appelle Fabienne, j'ai 47 ans, je suis professeur des écoles et j'ai été greffée il y a 3 ans.
J'ai su en novembre 2018 que j'avais une leucémie aiguë. Pour moi, il y a eu 2 sentiments. A la fois un soulagement, parce que depuis 3 semaines je sentais que quelque chose ne tournait pas rond et j'avais vraiment besoin qu'on me dise ce que c'était. Et à la fois un choc forcément puisqu'on entend le mot cancer et que ça ne peut pas être autre chose qu'un choc. D'autant plus que pour les leucémies aiguës quand on est diagnostiqué en général on est en aplasie. J'ai eu un quart d'heure pour rentrer chez moi faire une valise sans savoir quoi mettre dedans et repartir aux urgences. J’ai eu une très très grosse chimio d'induction. C'est une chimio qui coule 7 jours sur 7, 24h sur 24. Ensuite je suis rentrée 15 jours chez moi, puis j'ai eu de nouveau un mois d'hospitalisation pour une chimio de consolidation. Et de nouveau 15 jours à la maison et enfin une dernière chimio de consolidation. Donc à peu près 3 mois de traitement avant la greffe.
On m'a tout de suite dit qu’il n’y avait pas de chance de guérison si je ne faisais pas une greffe de moelle osseuse. La chimiothérapie ne suffira pas. On va réussir à vous mettre en rémission mais ce ne sera pas sur le long terme. Statistiquement, on sait que ce n’est pas possible donc vous devrez avoir une greffe de moelle osseuse.
Comment on prend ça ? Je n’ai pas vraiment eu peur sur le moment. Je me suis dit si c'est le moyen de guérir, c'est que voilà, ils savent en tout cas, ils ont une un traitement possible. Partant de là, pour moi, c'était faisable. Ils ont tout de suite expliqué qu’ils allaient lancer immédiatement les recherches sur un fichier international. Dès le premier jour où je suis revenue pour ma chimio de consolidation, les médecins m’ont dit « on a trouvé quelqu'un ». Je crois que j'étais la plus sereine de tous parce que je n'ai jamais imaginé qu'il n'y aurait personne de compatible. Par contre avec le recul, je me rends bien compte, parce que les hématologues m'avaient dit que ce ne serait pas gagné d'avance, que ce n’était pas forcément simple. Donc j'ai l'impression d'être-je ne sais pas si c'est une forme de déni-mais en tout cas les gens autour de moi, eux, se rendaient beaucoup plus compte que ça n’allait pas être si simple que ça.
Le jour de la greffe, comment dire, c’est une renaissance. Il n’y a pas d'autres mots. Et moi j'ai eu la chance de vivre ça avec ma maman à côté de moi et mon conjoint. Et en fait, moi à ma propre naissance, ma maman ne m'a pas vu naître parce qu’ils ont dû procéder autrement. Et du coup, toutes les deux, on a eu cette grande chance de vivre une deuxième naissance mais en conscience, et vraiment pour moi c'est une chance parce que je crois que sinon on ne se souvient jamais de notre naissance. Donc pour moi c'était un moment incroyable.
Je me considère comme une survivante. En tant que survivante, je me dois de vivre vraiment à 200% tout ce que je fais. Donc ça a changé beaucoup de choses dans ma vie. Ça a changé ma relation aux autres, qui est beaucoup plus apaisée. Aujourd'hui, je suis vraiment beaucoup plus apaisée qu'avant. Je me sens beaucoup plus libre aussi.
Alors je pense à mon donneur, pas de temps en temps, je pense à mon donneur tous les jours. Tous les jours parce qu’il m'a donné une chance de vivre. Ce n’est pas juste une chance de vivre, ça ce n’est pas concret pour les gens. Mais il me permet au quotidien de voir mes enfants grandir et ce n’était pas ce qui était prévu pour moi suite à cette maladie. Donc c'est énorme pour moi, c'est comme si j'avais gagné au loto de la vie. Et puis surtout ça n'a pas changé que ma vie, ça a forcément eu un impact sur la vie de mes enfants, sur la vie de mon conjoint. Donc ça ne sauve pas qu'une vie. C'est un cadeau pour plein de gens.
Un message à ceux qui vous écoutent ?
Ceux qui pensent au don moelle osseuse, depuis plusieurs mois, plusieurs semaines et qui se disent « non mais moi je n’ai pas le temps, j'ai plein de choses à faire », j’ai envie de leur dire que peut être aujourd'hui, quelqu'un est malade dans une chambre stérile, attend depuis des semaines un don de moelle osseuse et peut être que c'est vous qui êtes compatible avec cette personne.
Vraiment un peu de votre temps, je pense que ce n’est rien pour ce que ça va donner à la personne qui est malade. C'est à dire juste une deuxième chance de vivre. Alors ce que je dirais aux hommes, c'est qu’il y a les héros du quotidien. La bonne nouvelle c’est que tout le monde, tous les hommes entre 18 et 35 ans peuvent devenir le héros de quelqu'un. Et ce qui est beau en plus, c'est qu’il n’y a pas besoin de force, il n’y a pas besoin de courage, juste de quelques cellules.