Manon et Mathieu

"Ça a marché pour toi, j'espère que mon don va marcher aussi."

Manon : On dit souvent quand on reçoit un don de moelle osseuse comme ça, qu'on renaît. Donc on a vraiment une deuxième naissance et c'est un peu comme ça que je le ressens. 

Mathieu : C'est un coton-tige à frotter dans sa bouche et une lettre à renvoyer et ça sauve une vie. Ça pourrait être votre frère ou votre sœur. Allons-y. 

Manon : J'avais 25 ans et après un gros gros coup de mou, j'ai été chez mon médecin traitant. Et puis en fait, je me re-sentais vraiment pas bien. Donc je retourne une deuxième fois chez le médecin traitant et on me demande simplement d'aller faire une prise de sang. Finalement, en fin de journée, on vient m'annoncer qu'il y a une maladie du sang. Donc il y a une leucémie. Moi j'ai ma mère qui s'effondre à côté. Pour le coup, je ne comprends pas trop ce qui se passe, je suis plutôt en train de la rassurer plus qu'autre chose. Du coup, j'ai enchaîné plusieurs chimiothérapies, ça ne fonctionnait pas et donc là, la greffe vient un petit peu sur le tapis. 

Mathieu : Après un don du sang à l'école, j'ai récupéré un flyer sur le don de moelle osseuse et simplement en rentrant chez moi, je me suis connecté au site. J'ai créé mon profil simplement et dans les jours ou la semaine qui a suivi, j'ai dû recevoir une enveloppe avec un kit salivaire. Je me suis frotté des cotons-tiges dans la joue et il y a une enveloppe retour où on glisse les tubes et ça veut dire qu'après on est inscrit dans le registre. Je ne me dis vraiment pas que je vais être appelé. J'oublie que je l'ai fait presque. Et un jour, je suis en cours, je reçois un appel : "Oui, allô, bonjour, c'est le C.H.U. d'Amiens" et moi directement je coupe la personne et je dis : "Ah vous faites erreur, je suis à Lille, je ne suis pas du tout hospitalisé à Amiens". Et là j'entends : "Oh non, non, non, non, vous vous êtes inscrit sur le registre des donneurs de moelle osseuse". Et là, d'un coup, j'ai un flashback dans ma tête de tout ce que j'avais fait, de moi pendant le Covid, qui me frotte des écouvillons dans la joue et je me dis : "Ah oui, c'est vrai que j'ai fait ça". 

Manon : Du coup on m'explique que c'est vraiment très très rare de trouver un donneur de moelle osseuse compatible, surtout quand on n'a pas de frères et sœurs directs. Donc voilà, c'est vraiment un donneur anonyme. J'étais à l'hôpital pour des examens, je reçois un coup de téléphone pour m'annoncer qu'on a trouvé un donneur. Je suis surprise, je suis heureuse et en même temps je ne suis pas ultra confiante pour le coup. C'est la pré-greffe qui est un peu compliquée parce qu'on passe dans ce qu'on appelle irradiation corporelle totale. Donc c’est-à-dire qu'on est obligé de venir tuer notre propre système immunitaire. Ça peut rendre stérile. Une fois que ta machine à fabriquer le sang, que la moelle osseuse n'est plus là, on vient te greffer ta nouvelle moelle et du coup ta nouvelle machine à fabriquer le sang. C'est pour ça que tu changes de groupe sanguin. 

Mathieu : Avant le don, pendant une petite semaine, il y a une infirmière qui va venir le matin et le soir, faire une piqûre. Notre corps va surproduire de la moelle osseuse et le but c'est que le jour du don, on vienne prendre notre sang, on filtre et on nous le rend et en fait on vient prélever la moelle osseuse. Ça dure une demi-journée et à la fin on voit le petit sachet de moelle osseuse être mis dans un sac de transport et qui part, c'est comme une poche de soupe lyophilisée. Et je me dis ça part peut-être à l'étranger, peut-être en France, j'en sais rien. Ouais moi je me dis : "J'espère vraiment que ça va marcher". 

Manon : Et j'ai une chance inouïe. La greffe s'est exceptionnellement bien passée. Mais voilà, c'est encore très très long pour s'en remettre, on ne va pas, se mentir là-dessus. Mais on repart heureux, on repart changé on repart avec une nouvelle force de conviction et plein de nouveaux projets. Alors on sait que dans tous les cas, que ça reste anonyme, ça on nous l'explique bien en amont, donc ça sert à rien de poser des questions. La seule chose, c'est le jour où on reçoit la greffe, en fait, sur les poches, on voit simplement les dates de naissance et la provenance des poches. Donc moi c'était une Polonaise de 21 ans. Moi je repense très très souvent à ma donneuse, notamment parce qu'on a le droit de leur envoyer un courrier, que ce soit en tant que donneur ou en tant que receveur. C'est quelque-chose que moi je n'ai pas encore fait, notamment parce que je n'ai pas encore trouvé les mots, les mots suffisants pour la remercier comme il se doit de cette nouvelle chance, de cette nouvelle vie qu'elle m'a offerte. 

Mathieu : J'y pense quand je passe devant un labo, dès que je passe devant un truc un peu médical où il y a une notion de prise de sang ou quelque chose comme ça, ça me fait penser à ça et je me dis : "J'espère que ça a marché". 

Manon : On dit souvent quand on reçoit un don de moelle osseuse qu'on renaît, donc on a vraiment une deuxième naissance et c'est un peu comme ça que je le ressens. J'ai plein plein de projets que j'avais mis en standby, que je vais pouvoir réaliser et que je suis sur le point de réaliser. Du coup, c'est chouette. 

Mathieu : Je trouve ça marrant de se dire que ça a fonctionné pour toi, donc moi, j'espère que ça va fonctionner aussi. J'espère que mon don il a fonctionné. 

Manon : C'est vraiment très très rare de trouver des donneurs, donc il y a un réel besoin de s'inscrire, surtout quand on est jeune. C'est vraiment pas grand chose et vraiment ça sauve des vies. 

Mathieu : Inscrivez-vous, c'est un coton-tige à frotter dans sa bouche et une lettre à renvoyer et ça sauve une vie. Ça pourrait être votre frère, votre sœur. Allons-y !